Le Orphan Film Symposium se tient habituellement tous les deux ans aux États-Unis. Cette année, une manifestation plus resserrée était organisée à Paris avec la Cinémathèque française. C’est la seconde fois que l’Université de New-York (NYU) s’associe avec une institution européenne pour préparer cet événement.
Autour du thème « Tests, essais et expérimentations », les rencontres se sont déroulées en même temps que Toute la mémoire du monde, festival international du film restauré organisé par la Cinémathèque française. Les communications du colloque, entre le jeudi 1er mars et le samedi 4 mars, étaient toutes concentrées en matinée, permettant ainsi aux participants de profiter des projections du festival et des débats qui se tenaient simultanément sur des sujets variés.
C’est la deuxième fois que je participais au Orphan Film Symposium, après une première expérience à Amsterdam. Là-bas, les interventions se succédaient tout au long de la journée et ce fut probablement le colloque le plus intense auquel j’ai jamais assisté. Cependant, la beauté du Orphan Film Symposium, c’est bien de proposer un programme de projections très dense, la majorité du temps étant dédié à la présentation de films rares ou qui échappent aux définitions et aux catégories habituelles.
Le programme était ainsi constitué d’un mélange d’actualités cinématographiques, de plans et de séquences non retenues au montage (outtakes), de films expérimentaux et de films amateurs. Si toutes les interventions ne répondaient pas exactement à la définition du « film orphelin », telle qu’elle a été établie par les organisateurs, ou même au thème de 2017, elles étaient en si grand nombre et donnaient tant à voir que cela n’avait que peu d’importance.
Je vais m’intéresser ici plutôt à celles consacrées au cinéma amateur, étant donné l’intérêt des membres de l’association Inedits pour cette question. Les films amateurs présentés cette année n’auraient pu être plus différents…
Kay Gladstone, conservateur au Imperial War Museum (IWM), a d’abord proposé une intervention émouvante sous le titre « Clandestinity : Amateur Films of Secret Subjects in France and Belgium during the Second World War », à travers laquelle il expliquait comment les films de deux familles, l’une française, l’autre belge, ont rejoint ses collections, mais aussi ce qui était arrivé à ces personnes pendant et après la guerre. Les films de la famille française étaient particulièrement frappants, parce qu’après des images familiales classiques, joyeuses, avec des personnes qui sourient et posent pour la caméra, ils montraient des séquences tournées par le père dans le camp d’internement de Beaune-la-Rolande, à 100 km de Paris. En fait, la famille y avait été envoyée avant d’être transférée vers les camps d’extermination. Ainsi, ces bobines qui ont traversé la guerre, permettent d’entrevoir furtivement une partie de l’histoire française. Les plans en plongée et les prises de vue à travers des portes et des fenêtres montrent clairement la dimension secrète de ces images. La collection a été donnée à l’Imperial War Museum à Londres qui se charge aujourd’hui de sa conservation.
Rachel Stoeltje de l’Université de l’Indiana, a ensuite présenté des films personnels de John Ford tournés pendant l’un de ses nombreux voyages au Mexique, en compagnie de Henry Fonda, souvent montré en train de dormir, et de John Wayne. Ces voyages pleins de testostérone, passés à boire, fumer et pêcher, sont très joliment filmés en couleurs et aujourd’hui conservés par la bibliothèque de l’université. Si ces images semblent familières à certains, elles ont cependant une valeur marchande très importante et la famille a préféré restreindre leur accès.
Ces deux exemples montrent tout le potentiel des films amateurs, et la grande variété de publics et de chercheurs qu’ils peuvent intéresser. Voir des films amateurs au Orphan Film Symposium, où ils côtoient des films expérimentaux, des « films maudits » ou encore d’autres images difficiles à catégoriser, conduit également à renouveler la réflexion sur la manière dont ces films peuvent être définis ou contextualisés.
Le programme complet est disponible ici. Le prochain Orphan Film Symposium, sur le thème de l’amour, aura lieu à New York en partenariat avec le Museum of Moving Image en 2019.
Alessandra Luciano
Centre national de l’audiovisuel (Luxembourg)