L’Institut Jean Vigo a été créé à Perpignan en 1981 par un groupe de passionnés réunis dès 1965 pour l’organisation du festival de cinéma Confrontations. Les collections de l’institut compte aujourd’hui 5 000 films et un fonds non-film remarquable (56 000 affiches, des périodiques et des fonds d’archives). L’Institut Jean Vigo prend officiellement le nom de « cinémathèque euro-régionale » en 2006 et devient membre de la FIAF l’année suivante. Depuis 2010, dans le cadre du projet Mémoire filmique Pyrénées-Méditerranée, l’institut collecte de plus en plus de films amateurs tournés en Catalogne française ou dans le territoire de la province historique du Languedoc, qui peuvent être découverts en projections ou en ligne.
Grâce au soutien de la DRAC Occitanie, l’Institut Jean Vigo propose aussi à des artistes de travailler à partir de ces archives, pour livrer leur vision de ces collections de films amateurs, concevoir de nouvelles œuvres et les partager avec le public.
En 2017, l’appel à projets a été remporté parÉtienne Noiseau, artiste, réalisateur sonore et critique radiophonique. Il écrit qu’il a d’abord été frappé par ces images « muettes par défaut » : « aux visages il manque la voix, aux scènes de fête la musique et les chants, ainsi que tous les bruits ambiants […] ».
Il est donc parti à la rencontre des familles qui ont confié leurs films à l’Institut Jean Vigo pour « retrouver le son perdu de ces films ». Étienne Noiseau capte alors les réactions spontanées des proches des cinéastes amateurs, au moment du visionnage de leurs films. Avec ce matériau, il construit trois courts métrages qui évoquent plutôt le rapport que ces témoins entretiennent aujourd’hui avec ces images familiales anciennes. Disparitions (6 min 18) interroge le trouble que provoque la confrontation avec l’image d’un proche entre-temps disparu, le sentiment de la fragilité de la vie. Pêche à l’art (5 min 40) se concentre sur un film 16 mm qui décrit les étapes d’une pêche traditionnelle catalane, commentée et expliquée par le fils du cinéaste. Oublis (5 min 54) souligne enfin combien ces images gardent souvent leur mystère, même pour les enfants de leur auteur…
Les trois films sont à découvrir gratuitement en ligne : https://vimeo.com/channels/imagesmuettes
En 2015, la même opération avait déjà permis d’accompagner le travail artistique de Lise Fischer. Inspirée par les films 9,5 mm tournés par son arrière grand-père et montrant sa grand-mère, alors âgée de 7 ans, gravissant le mont Canigou, la plasticienne avait produit une œuvre protéiforme. Les membres de l’association INEDITS avaient d’abord pu découvrir toute une exposition, notamment des installations lumineuses, des travaux sur la matière de l’image, conçus par l’artiste et présentés en marge des rencontres de l’association à Perpignan. De cette expérience était aussi né un film, Lumières fossiles (14 min), où la grand-mère de l’artiste reprenait à 85 ans le chemin du Canigou, les films des années 1930 imprégnant tout au long de l’ascension le corps de la vieille dame et les pierres de la montagne.
En 2018, une nouvelle résidence est en cours. L’Institut Jean Vigo accueille Catalina Rodriguez Gutierrez, étudiante en arts plastiques à l’Université de Montpellier. Rendez-vous en fin d’année pour découvrir son travail.
Julie Guillaumot